Théorie du Discours, Droit Pénal, et Criminologie

Mathieu Deflem
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Published in Déviance et Société 19(4):325-338, 1995.
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Please cite as: Deflem, Mathieu. 1995. “Théorie du Discours, Droit Pénal, et Criminologie.” Déviance et Société 19(4):325-338. 


Cet article analyse les développements récents de la pensée de Jurgen Habermas en matière de théorie du droit, notamment son livre récent Faktizitât und Geltung. On y explique comment la théorie habermassienne du droit et de la justice est construite sur la théorie de l'agir communicationnel. On y discute aussi des critiques, au moins celles qui sont pertinentes pour la théorie du droit pénal et de la criminologie.


La théorie critique de Jurgen Habermas a suscité pas mal d'intérêt dans le chef de cri- minologues et théoriciens du droit pénal. Il est cependant problématique de voir la façon inconsistante avec laquelle la théorie d'Habermas a, jusqu'à présent, donné lieu à un éventail d'idées diverses dans l'étude du droit pénal et de la criminologie, ainsi que (et, en grande partie, par suite de cela) le caractère fragmentaire de sa théorie du droit. Avec sa récente publication Faktizitât und Geltung (1992) Habermas a poussé plus loin les fondements de sa théorie du droit, dont il avait déjà posé les jalons dans quelques travaux précédents, et a fourni un exposé approfondi sur la place du droit dans la société démocratique moderne.

Dans cette contribution, je souhaite commenter les derniers développements présents dans la théorie du droit d'Habermas, d'une part, à la lumière des exposés antérieurs d'Habermas concernant le droit (Partie I), et, d'autre part, en relation avec quelques notions théoriques centrales dans l'étude du droit pénal (Partie II) et de la criminologie (Partie III). Je pourrai seulement donner ici les contours les plus importants de la théorie du droit d'Habermas et son (entre temps très grande) influence dans la littérature, mais le lecteur pourra tout au moins, via cette discussion thématique, trouver un accès utile à ce débat qui grandit.

I. Le droit entre rêve et réalité: la continuité inachevée de la théorie du droit d'Habermas

La publication de Faktizitât und Geltung (en abrégé F. & G) avait été, à plusieurs reprises, annoncée par Habermas1, mais il s'est fait quelque peu attendre. Probablement qu'a contribué à cela le fait qu'Habermas pensait initialement qu'il pourrait travailler davantage les thèmes qu'il commentait dans Tanner Lectures (Habermas, 1988a, b), sans occasionner déjà trop de failles dans ses pensées. Sur ce point, on peut déjà établir que cela n'a pas marché: F & G offre à différents égards une autre théorie du droit que celle précédemment proposée par Habermas.

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Bien que la publication de F & G soit relativement récente - le livre est paru à la fin de l'année 1992 - son contenu a déjà donné lieu à un grand nombre de discussions2 et à un éventail de larges débats d'opinion sur ces thèmes 3. En cela, Habermas a déjà permis que la théorie critique dispose maintenant d'une perspective, discutable, du droit et de la démocratie, ce qui, d'une conception marxiste plus traditionnelle ne pouvait être attendu de façon évidente 4. Dans la représentation ci-dessous de quelques thèmes autour de F & G, j'envisagerai principalement la discussion d'Habermas quant au droit (au détriment de sa théorie sur la démocratie) et j'attirerai surtout l'attention sur l'évolution de ses pensées juridiques depuis sa Théorie des kommunikativen Handelns (1981)5.

Nous allons résumer, tout d'abord, comment Habermas, dans quelques travaux précédents, concevait le rôle social du droit. A l'intérieur de sa perspective dualiste de la société, à la fois système et monde vécu, Habermas assignait un double rôle au droit moderne. D'un côté, le droit ancrait la conduite autonome du système de marché et d'état et mettait ainsi en œuvre la séparation du système et du monde vécu. Dans ce contexte, la théorie du droit était conçue comme une institutionnalisation d'un discours moralo-pra- tique. D'un autre côté, Habermas envisageait le rôle du droit comme médium dans la juri- dification de modes de vie réglés auparavant de façon informelle. En cela, il était important que le droit soit posé comme un moyen politique et économique dans le système en vue de provoquer la colonisation interne du monde vécu. Le problème central dans cette explication théorique - déjà reconnu par Habermas (1988a, b) dans les Tanner Lectures6 - concernait le caractère ambivalent de cette formulation. En effet, la distinction entre le droit comme institution et le droit comme médium semble indiquer l'existence de deux sortes de droit radicalement distincts: certains genres de droit peuvent relever de la validité, tandis que d'autres normes juridiques ne sont qu'une question purement fonctionnelle. Habermas a entretemps rejeté cette distinction rigide et a privilégié la suggestion selon laquelle le droit dans son entièreté est susceptible d'une critique moralo-pratique et trahit toujours une tension interne entre, d'une part, la revendication de légitimité et, d'autre part, la réalité de sa légalité. Avec cela sont indiquées les deux questions centrales dont Habermas se préoccupe dans F & G: i) quand le droit peut-il être dit légitime ou valide ? ; et ii) comment se pose la légitimité du droit en relation avec sa place réelle dans la société moderne?

Voir Andersen, 1994; Angern, 1993; Bertilsson, 1994; Bohman, 1994; Dews, 1993a; Hilgendorf, 1994; Horster, 1992, 1993; Information Philosophie, 1993; Mehring, 1993; Merkel, 1993; Preyer, 1993; Rasmussen, 1994; Van Roermund, 1994; Shônberger, 1994; Sipe, 1992; Tônnies, 1993;Vandenberghe, 1993. Ces discussions se joignent à mon précédent point de vue sur la théorie du droit d'Habermas (Deflem, 1994c) ; Voir également ma bibliographie sur la théorie du droit d'Habermas (Deflem, 1994b), ainsi que les commentaires réalisés par Feldman, 1993; Felts, Fields, 1988; Melkevik, 1990, 1992; Leeds, 1991 ; Lenoble, 1992; Pourtois, 1991, et la postface d'Habermas lors de la quatrième édition de F&G (Habermas, 1994a, b). Voir Abraham, 1994; Bader, 1994; Bal, 1994a, b; Blankenburg, 1994; van den Brink étal., 1993; Casebeer, 1994; Deflem, 1994a; Dews, 1993b; Hôffe, 1993; Larmore, 1993; Luhmann, 1993b; Minogue, 1994; O'Neill, 1993; Raes, 1994; Shlink, 1993; Simon, 1994; Somek, 1993; Tiets, 1993; IWeedy, Hunt, 1994. La relation d'Habermas au marxisme a déjà donné lieu, depuis longtemps, à discussion, surtout à cause de son attitude critique à l'égard des représentants les plus orthodoxes de la Frankurter Schule (Adorno, Horkheimer, Marcuse) et de la place favorable qu'il fait à des auteurs plus orientés mainstream (Durkheim, Mead, Parsons). Dans une discussion récente, Habermas a reconnu son attitude réformiste, mais tient cependant à se faire appeler «le dernier marxiste» (in Calhoun, 1992; Voir Scheuerman, 1993). Pour un exposé des essais d'Habermas pour une sociologie du droit, avant 1981, Voir Guibentif, 1994. The Tanner Lectures sont reprises en annexe dans F & G (F & G, 541-599), ainsi que deux textes politiques sur la citoyenneté et l'union allemande et européenne (F & G, 600-660).

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Depuis les premières pages de F & G, Habermas introduit cette interrogation en termes de tension entre Faktizitàt et Geltung. Habermas situe cette problématique dans une reformulation (conséquente) de l'agir communicationnel, parce que, comme il l'avait déjà exposé dans sa théorie sur la revendication de validité du discours (Habermas, 1981), Habermas est d'avis que c'est dans l'agir communicationnel qu'il est réellement idéalisé. Cela veut dire qu'en fait les actes supposent en même temps des revendications idéales (notamment des revendications de vérité, justesse et sincérité). Actuellement, la thèse d'Habermas est que ce qui vaut pour le discours, vaut également pour la société. Avec cela, la double interrogation déjà nommée est exposée conceptuellement. La nouvelle évolution de l'argumentation d'Habermas est en effet un approfondissement de cette double problématique, et notamment un plaidoyer pour l'argument selon lequel la stabilité de Faktizitàt et de Geltung au niveau de la société est garantie par le droit. En effet, ainsi que l'expose Habermas, dans une société moderne, c'est-à-dire une société caractérisée par une pluralité de modes de vie différents, il doit exister des règles qui simultanément imposent des limites factices (sanctions) et ont une vigueur socio-intégrative (légitimé). Cela implique que le droit moderne, comme «double médium» doit être à la fois positif et légitime (F & G, 59).

D'un point de vue analytique, ce qui précède peut être compris comme un juste milieu entre le positivisme juridique et une approche idéaliste (F& G, 62-90). Habermas parle régulièrement dans ce contexte en termes d'un pont jeté entre deux points de vue extrêmes: une philosophie du droit (normative) contre une sociologie du droit (empirique); une théorie du droit (qu'est-ce-que le droit?) contre une théorie de la justice (que doit être le droit?); ou l'idéalisme d'Hegel et les théoriciens du contrat (Rawls, Dworkin) contre le formalisme de Weber, le positivisme juridique de Hart et les théoriciens du système (Luhmann, Teubner)7. Ici, Habermas ne vise pas tant à désigner les erreurs, que le simplisme de ces perspectives. C'est pourquoi il présente une approche du droit qui, construite à partir du cadre général de la théorie de l'agir communicationnel, reprend des éléments de chacun des différents points de vue et les réunit d'une nouvelle manière (F & G, 90-108). Ainsi, Habermas présente une double perspective qui reconstitue le droit aussi bien de l'intérieur, ou normatif, que de l'extérieur, ou socio-fonctionnel. Nous reconnaissons ici à nouveau le fondement de la pensée de la perspective de société duale d'Habermas, de milieu et de système, qui maintenant comme théorie du droit réconcilie une perspective participative avec une approche objectivante. Du point de vue de la théorie du discours, le droit peut être spécifié comme cette institution sociale qui, grâce à sa modération contraignante de fait et son exigence de légitimité, remplit la fonction charnière de transformateur entre système et monde vécu (F & G, 77, 78) 8.

Sur la relation entre la théorie d'Habermas et Dworkin, Voir Ingram, 1990; Raes, 1994, 103-104; van Roermund, 1994, 136-137; Wenzel, 1994. Le rapport entre les positions d'Habermas et de Hart a été commencé par Orts (1993), et la discussion entre Habermas et Rawls par Baynes, 1991. Autour de la discussion entre Habermas et Luhmann, dont j'ai traité précédemment (Deflem, 1994c, 101-104), je peux l'exposer brièvement: le fossé entre les deux penseurs s'est encore agrandi ces dernières années. En fait, bien qu'Habermas parle encore de Luhmann (F & G, 66 ss.), et que Luhmann en fasse de même quant à Habermas (Luhmann, 1993b), il n'est plus question d'un débat entre Habermas et Luhmann. Les positions distinctes se sont en effet tellement polarisées qu'une polémique unique (habermasienne?) n'a plus de raison d'être (Voir plus loin Luhmann, 1993a; Horster, 1994; Pourtois, 1993). Remarquons qu'Habermas envisage toujours le droit comme déterminé positivement, c'est-à-dire un droit sanctionné officiellement. Ainsi, le droit se distingue de la morale post-conventionnelle comme un système tout à la fois symbolique et actif (F & G, 137, 146). Avec cette formulation, Habermas demeure attaché à une conception du droit comme un complément, stabilisant l'attente, de la morale, (Voir à ce sujet Habermas, 1991). Cela explique également le centralisme du système de jugement et l'idée d'état de droit dans sa théorie du droit (cf. infra).

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A partir de cette ébauche de base, l'exposé ultérieur dans F & G se déploie comme une explication thématique de la position de tension entre le caractère positiviste et la valeur du droit. Dans ce cadre, Habermas défend l'opinion selon laquelle cette tension se manifeste de différentes façons dans i) le système de jugement et l'état de droit; ii) la jurisprudence; iii) le rôle de la jurisprudence constitutionnelle dans la relation entre justice et législation; iv) le mode de décision démocratique.

Dans la perspective du droit, Habermas traite tout d'abord du système des droits, conçu comme cet ensemble de principes qu'un droit positif doit toujours incarner pour être légitime (F & G, 109-237). Ici revient la position déjà défendue auparavant par Habermas concernant le rapport de réciprocité entre autonomie individuelle et justice sociale (liberté et égalité). Dans le système des droits, la tension entre Geltung et Faktizitat apparaît en effet comme une tension ente autonomie privée et publique. Habermas donne forme à ce problème en argumentant que les droits et libertés privés du sujet et l'autonomie publique ou civile ne doivent nullement s'exclure. Là dessus, il défend la thèse que les droits subjectifs peuvent être seulement compris de façon intersubjective, comme une revendication à l'égard des autres. Le système des droits doit donc toujours contenir ces droits fondamentaux qui découlent du droit, en vertu de la plus grande teneur possible en libertés subjectives pour chacun. Le droit légitime ne peut ainsi pas exister sans une liberté réciproque comme droit fondamental (F & G, 155-165).

La tension au sein du système des droits se traduit au niveau de l'Etat de droit comme une tension entre les revendications posées dans le monde vécu (puissance communicative) et la réalité de la contrainte imposée de la part de l'Etat (puissance administrative) - une tension dans laquelle le droit joue un rôle conciliant. L'idée de l'Etat de droit peut être spécifiée en termes de théorie du discours comme exigence que le code de pouvoir administratif et politique reste étroitement lié à la puissance communicative du monde vécu.

La jurisprudence est à son tour caractérisée par une tension entre les principes de sécurité juridique (les décisions doivent être prises) et l'équité juridique (la présomption que les décisions justes seront prises). De cette façon, le fait que les attentes des actes judiciaires sont sanctionnés de la part de l'Etat doit toujours pouvoir compter sur ce que les applications des normes juridiques sont reconnues comme justes et acceptables. Etant donné que chaque jugement ne peut que s'emboîter dans du droit déjà existant (on ne peut vraiment faire du droit qu'à propos des lois), Habermas défend la thèse que par la jurisprudence, on peut seulement regarder si, et dans quelle mesure, une norme juridique existante (légitime ou pas) est adéquate ou non à l'égard d'une situation donnée. Ceci faisant, Habermas prend donc clairement distance par rapport à la thèse proposée par Robert Alexy, selon laquelle le discours juristique (la jurisprudence) peut être conçu comme un cas spécial d'un discours moral de légitimité. Là où Habermas avait encore défendu cette position auparavant (Habermas 1981, 62-63), il adopte maintenant la thèse de Klaus Giinther (1988), selon laquelle le discours juristique doit être considéré comme un cas spécial d'un discours d'application moral, qui ne traite pas la question de la légitimité et la laisse à l'arrière-plan (F & G, 281-286); Voir Alexy, 1992, 1993; Gunther, 1993; Pourtois, 1992. En d'autres mots, d'après Habermas, on ne peut pas discuter de la validité d'une norme mais seulement de son aptitude à être appliquée, ce qui revient principalement à une sélection adéquate de thèmes pertinents (et à l'exclusion de ceux qui ne le sont pas)9. Etant donné que le droit est déjà la spécification d'une certaine morale, la rationa-

Cette position ne signifie naturellement pas qu'Habermas considère le discours juristique comme un jeu de puissance stratégique (comme il le prétendait auparavant, dans Habermas, 1971, 200-201). La position concernant le discours d'application dans la jurisprudence confirme la critique d'Habermas à propos de l'approche des Critical Legal Studies qui traitent la jurisprudence en termes stratégico-poli- tiques (F & G, 265, ss. ; Voir Deflem, 1994c, 108-109; Casebeer, 1994; Somek, 1993).

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lité de la jurisprudence ne peut pas dépendre de la relation interne du droit avec des codes moraux (cette tâche revient au système des droits déjà abordé), ni de la relation externe entre droit et politique (F & G, 285). C'est pourquoi le problème de la rationalité dans la jurisprudence doit revenir à la légitimité juridique (comme condition nécessaire, mais non suffisante) et celle-ci dépend du processus législatif. Ces pensées mènent finalement Habermas à une discussion sur le rôle de la constitution (qui se doit de garantir le lien entre la justice et la législation) et le rôle de la prise de décision démocratique (qui règle la cohésion entre le monde vécu et le système politique).

En ce qui concerne la jurisprudence constitutionnelle et le processus décisionnel démocratique, je peux être bref: Habermas comprend les deux en termes strictement procédura- listes (F & G, 292-398). Une constitution légitime se doit, selon Habermas, d'incarner des normes et non pas des valeurs. Les normes, en effet, indiquent combien de manières de vivre différentes peuvent être coordonnées, sans traiter des valeurs auxquelles ces manières de vivre doivent obéir (par exemple, la constitution stipule la liberté de religion comme norme, mais aucune religion comme valeur). Habermas spécifie aussi de cette façon le rapport externe qui concerne cette relation du droit avec la solidarité (monde vécu), tout comme avec l'argent et la puissance (le système) doit pouvoir garantir la Geltung. C'est pourquoi Habermas défend un concept démocratique qui, en tant que communication sans sujet, garantit une procédure qui rend possible une législation légitime (F & G, 362)10.

II. Le droit pénal entre norme et fait

La discussion précédente a pu rendre peu clair au lecteur que le F ce G de Habermas se rapproche plus du domaine d'intérêts des philosophes du droit, qu'il n'aborde de concepts pour la recherche en sociologie du droit. Ceci est bien évidemment, en grande partie, la conséquence de l'optique de base du livre, résumée par la question comment du droit valable est-il possible ? et dont la réponse se trouve dans le principe pas de droit valable sans démocratie11. Il est dès lors aussi logique qu'Habermas s'efforce toujours d'exposer la question de la légitimité en des termes idéalisants (et non idéalistes). Ceci a également mené à ce que Habermas ait consacré un travail (à nouveau) volumineux et (à nouveau) très abstrait à la reconstruction de la rationalité du droit légitime. Ceci a probablement contribué à ce que divers commentateurs aient critiqué les positions de Habermas dans F &G, comme étant une défense de ce qui est en place (Raes, 1994, 100), c'est-à-dire de l'Etat de droit (allemand) existant (Siep, 1992), ou encore qu'ils décrivent le travail comme utopique (Bader, 1994; Vandenberghe, 1993), comme trop normatif (Andersen, 1994), comme insuffisant pour expliquer les interrelations entre les Etats de droit et de non-droit (Schlink, 1993), ou comme inutiles pour la pratique du droit (Luhmann, 1993b).

Mais si l'on considère le F & G de Habermas comme un complément à sa Théorie des kommunikativen Handeln, alors la théorie du discours dispose autant d'une théorie

10 Le caractère procédural de la morale et de la théorie du droit chez Habermas demeure un point noir fort discuté. La critique (abordée dans Deflem, 1994c, 105-108) demeure que Habermas laisse s'infiltrer certaines valeurs dans sa théorie (van den Brink, 1993), ou que sa thèse de la légitimité par la procédure n'est pas tenable ou réaliste (Alexy, 1994; Blankenburg, 1994; Raes, 1994; Weinberger, 1994; Voir aussi les discussions dans Apel & Kettner). 11 Cette affirmation trahit immédiatement ce que Habermas pense du socialisme, une catégorie qui est toujours pertinente pour lui: il ne peut se comprendre que comme une «démocratie radicale» (Habermas, 1993b); Voir aussi les essais passionnants à propos de l'unification européenne et allemande dans Habermas, 1993a.

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sociale, qui peut mener à des analyses sociales, que d'une composition philosophique qui peut y apporter un regard critique. Il est vrai que dans F&G Habermas se penche plus sur le Geltung que sur la Faktizitàt du droit, mais cela n'empêche pas que les deux moments (la légitimation et l'instrumentalisation) soient pour Habermas possibles socialement, et théoriquement indispensables12. Malheureusement, peu d'auteurs ont, jusqu'à présent, prêté attention à ces suggestions et cela a peu aidé à faire avancer le débat sur la théorie du discours juridique 13. C'est pourquoi je souhaite, dans le reste de cet article, m'éloigner des elaborations strictement théoriques, et tout de suite indiquer comment la théorie de Habermas peut être mise en œuvre en vue de stratégies de recherche dans l'étude du droit pénal et de la criminologie14.

Dans F&G, Habermas pose que le droit pénal prend une place particulière au sein du système de droit parce qu'en droit pénal la discussion porte sur des normes qui ont une pertinence morale immédiate (unmittelbar) (F & G, 204). Habermas s'étend finalement peu sur le droit pénal, ce pourquoi il se réfère beaucoup au travail de Giinther (F & G, 9). Je suis d'accord avec la critique de Peter Bal (194a, b) : Habermas aurait négligé le fait que le caractère immédiatement moral du droit pénal ne signifie pas que chaque norme du droit pénal (de fait) apparaisse toujours sous une forme morale et ne soit pas apte à l'instrumentalisation15. Pour Bal cela signifie surtout que la procédure pénale doit toujours prendre en compte un discours sur les droits de l'homme de telle sorte que, si nécessaire, une remoralisation du droit pénal puisse être effectuée16. Celle-ci peut être appliquée aux plans suivants: i) pour l'établissement d'une norme pénale (par exemple qu'est-ce qu'un criminel? certains actes doivent-ils être traités par le droit pénal ou civil?; ii) pour une détermination des conditions de la criminalisation (par exemple, sous quelles circonstances l'avortement et l'euthanasie sont-ils criminels ou ne le sont-ils pas?; iii) par rapport aux conditions d'éclosion de la criminalité (cf. quels sont les contextes institutionnels de certaines formes de criminalité ?; iv) en relation avec les sanctions pénales (par exemple quels sont les droits qui doivent être garantis malgré une perte de liberté ? De cette façon on peut donc accomplir une reconstruction interne de la problématique de la justice dans le droit pénal 17. Des réflexions critiques en termes de l'une ou l'autre théorie de la justice sont indubitablement précieuses car elles peuvent donner lieu à une compréhension importante pour la réalisation d'un droit valable (et la critique d'un droit non valable). Mais à mon sens, ceci n'exclut pas qu'une analyse sociologique du droit comme état défait dans la perspective de Habermas soit aussi possible (et nécessaire).

Van Roermund, 1994, résume bien cette thèse en montrant que und est le mot le plus important dans le titre Faktizitàt und Geltung. 13 La plupart des commentateurs (mentionnés dans les notes de bas de pages 1 et 2) se sont en effet surtout limités à des réflexions méta-théoriques. 14 Mes commentaires dans le reste de cette contribution s'alignent sur mes discussions à propos de la pertinence de la théorie de Habermas pour la criminologie critique (Deflem, 1991, 1992a) et l'étude du droit et du droit pénal (Deflem, 1992b, 1994c). 15 La thèse de Habermas sur l'instrumentalisation du droit peut aussi être appliquée à l'étude de la moné- tarisation dans le monde carcéral (voir Lilly, Deflem, 1993). 16 Pour des commentaires concernant la discussion de Habermas sur la problématique des droits de l'homme (dans F& G, 124-135), voir Hôffe, 1993, 83-88; En lien avec une optique féministe, on trouve des commentaires sur Habermas chez Prins, 1994 et Gunning, 1993. 17 Dans une optique semblable à celle de Bal, Habermas est également étendu, corrigé, et critiqué du point de vue de la philosophie du droit dans bon nombre de commentaires mentionnés dans les bas de pages 2 et 3. Il en ressort que le travail de Habermas est régulièrement attaqué en raison de sa dimension normativiste - une critique qui ne se justifie naturellement que sur une base normative.

Deflem, Théorie du discours, droit pénal et criminologie

Quand nous partons avec Habermas de l'idée que le droit remplit une fonction charnière entre le système et le milieu vécu, on peut émettre l'hypothèse (verifiable) que les normes juridiques peuvent être soumises à une forme de pression de systèmes, qui entraîne une instrumentalisation ou technocratisation du droit, et que le droit reste simultanément lié à des exigences, des positions et des contradictions morales, dans le milieu vécu.

Cette thèse peut être par exemple appliquée dans une étude sur le jugement constitutionnel américain à propos de l'avortement (voir plus dans Y extenso de Deflem, 1994d). La loi américaine sur l'avortement est réglée par les Etats fédérés, mais depuis le jugement constitutionnel retentissant dans Roe v. Wade (1973) la Cour suprême {Supreme Court) a légalisé de fait l'avortement aux Etats-Unis. Le tribunal s'est basé sur la position que le droit privé renferme que les femmes peuvent interrompre une grossesse non souhaitée. Ce droit était jugé absolu avant la fin du premier trimestre de la grossesse car le fœtus est considéré alors comme inapte à vivre. Après le premier trimestre, les Etats peuvent, selon leur intérêt à protéger la vie, instaurer certaines frontières législatives au droit de l'avortement. Durant les dernières années la Cour suprême a interprété largement ces intérêts et a ainsi imposé plus de restrictions au droit de l'avortement. En 1989 le tribunal a décidé que les Etats ne doivent pas financer des cliniques publiques pour l'avortement et qu'un examen médical peut être obligatoire pour établir la viabilité des fœtus d'au moins vingt semaines. En 1992, le concept du trimestre pour la viabilité fut complètement abandonné de telle sorte que les Etats américains peuvent introduire une législation qui peut rendre obligatoire le test médical de viabilité à n'importe quel moment de la grossesse.

Comment peut-on analyser cette situation dans la perspective de Habermas? En premier lieu, il y a le lien indénouable entre le jugement sur l'avortement et le système politique américain. Le jugement sur l'avortement est, à de nombreux niveaux, un reflet des tensions dans le système politique fédéral des Etats-Unis, plus précisément entre les compétences législatives des Etats et celles du gouvernement fédéral. En outre on constate que les changements de pouvoir présidentiel ont eu des influences profondes dans le débat sur l'avortement, dont la moindre n'était pas celle de la compétence présidentielle pour nommer les membres de la Cour suprême.

Notamment pendant les présidences républicaines de Reagan et Bush, la Cour suprême a subi une transformation idéologique par laquelle la conception anti-avortement a grandement gagné du terrain. Naturellement, étant donné l'orientation individualiste du système juridique américain, les facteurs de puissance politiques n'ont jamais pu remettre en question le droit fondamental à l'auto-détermination à propos de l'avortement. Mais l'on peut par là difficilement considérer la pluralité du milieu vécu américain comme entièrement (et de façon simpliste) « individualiste ». Ainsi on peut en arriver avec Habermas non pas tant au fait remarquable que le droit à l'avortement aux Etats-Unis se comprend comme un droit sur le privé, mais surtout à ce que les attitudes vis-à-vis de l'avortement sont à peu près réparties de façon incontournable entre des attitudes «pro choix» et des attitudes «pro vie». De cette façon le jugement sur l'avortement indique que chaque système de droit est aussi l'expression d'une certaine forme de vie (Habermas, 1993d, 138).

Enfin, à partir des positions de Habermas sur la technocratisation du droit, on peut aborder la médicalisation du droit américain à l'avortement. Dans la décision de Roe v. Wade, le tribunal stipulait en effet la frontière entre le droit privé et l'intérêt de l'Etat en s'en remettant à des données médicales concernant la viabilité. Ce faisant, la Cour suprême introduisit dans le débat sur l'avortement (déjà chargé normativement) une décision en y amenant un raisonnement strictement technologique et en transformant les droits individuels en termes médicaux. Etant donné la suppression constitutionnelle du concept du trimestre et le progrès qui est enregistré momentanément dans le domaine des technologies de la reproduction, le problème suivant se pose: le droit à l'avortement peut

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être érodé, non pas par une restriction des droits fondamentaux, mais par un écourtement de la période de viabilité telle qu'elle est établie médicalement. En conclusion, tout comme à la lumière des contradictions existantes et croissantes à propos de l'avortement, il apparaît on ne peut plus clairement combien le droit est prisonnier d'une lutte entre Faktizitât et Geltung.

III. Criminalité et contrôle social entre le milieu vécu et le système

Dans ce qui précède j'ai tenté de montrer que la théorie de Habermas sur le droit rend possible une analyse à la fois concrète et critique du droit dans la société. Ce qui y semble surtout utile est la façon avec laquelle on peut mettre le doigt sur des conflits dans le milieu vivant qui se trouvent via le droit en confrontation verticale directe avec les influences du pouvoir politique et technocratique. Dans la théorie du discours, ce problème peut être indiqué en termes de relation entre le milieu vécu et le système. Avec cette approche conceptuelle on peut retrouver le fil pour une discussion sur l'intérêt de la perspective de Habermas pour l'étude de la criminalité et du contrôle social.

Tout comme je l'ai montré précédemment (Deflem 1991, 1992a), la théorie critique de Habermas n'a finalement pas eu une énorme influence dans la criminologie. On trouve cependant une exception dans certaines variantes au sein de l'abolitionnisme structuraliste et phénoménologique.

Cependant, à l'égard de ces reconstructions il peut être émis qu'elles traduisent les idées de Habermas de façon simpliste, ou bien en indiquant l'absence d'un lien inhérent entre le milieu vécu et les « constructions de crime » (au détriment d'une perspective systé- mique), ou bien en insistant sur les structures de contrôle social «qui maintiennent le système » (perdant du regard les dimensions de l'agir théorique).

Dans F& G, Habermas ne se montre malheureusement pas (de nouveau) explicite sur des problèmes pourtant centraux dans la réflexion théorique en criminologie. Dans sa discussion sur la sanction-violence pour conférer aux normes juridiques venant de l'Etat une certaine autorité à suivre, Habermas fait remarquer seulement brièvement que cet élément du droit est en lien avec l'aspect sous lequel l'Etat dispose d'un kasernierte Gewalt en réserve comme couverture de sa force d'ordre (F& G, 167). Avec cette brève référence à la force de police, sa théorie a peu fait progresser la recherche à propos du contrôle social. Ceci n'empêche à mon avis pas que la théorie de Habermas peut tout de même être riche pour un éclairage critique de problèmes de pertinence criminologique, notamment pour une approche conceptuelle du contrôle social et de sa relation à la criminalité.

En adhésion avec une critique de l'abolitionnisme dirigée sur Habermas et certainement avec les positions de F & G en pensée, il peut tout d'abord être posé qu'une théorie sur le contrôle social doit avoir un œil sur le gain possible d'une démocratisation du droit pénal pour pouvoir ainsi de mieux en mieux garantir sa revendication à la légitimité (voir Deflem, 1995a)18. Là dessus on peut poser (surtout en relation avec une vision inspirée de Michel Foucault) que les soit-disant «nouveaux» contrôles (pensons aux sanctions alternatives, au contrôle informel, et aux méthodes de contrôle à haute technologie) sont toujours emboîtés sociétairement dans une tension: d'une part le Geltung lié à des conceptions sur la justice, et d'autre part, la réalité de fait {Faktizitât) de leurs rapports avec les

18 Le F & G de Habermas ne laisse plus subsister aucun doute qu'un abolitionnisme radical ne peut pas reposer sur son travail. Voir à ce propos ma réponse (Deflem, 1993) à la critique de Jahn, 1993. Voir aussi l'absence remarquable de Habermas dans l'analyse récente de Baratta, 1993, de la violence, droit pénal et droits de l'homme.

Deflem, Théorie du discours, droit pénal et criminologie 333

systèmes de la politique et de l'économie. On peut ainsi présenter avec Habermas l'intérêt d'une analyse criminologique qui porte son attention non seulement sur les formes (nouvelles et anciennes) sous lesquelles le contrôle social émerge (préventif versus répressif, intervenant versus sanctionnant, etc.) mais aussi sur la rationalité des mécanismes du contrôle social, comme étant cet ensemble de mécanismes qui sont mis en œuvre dans une société, pour intervenir de façon proactive ou réactive, par des instances particulières ou émanant de l'Etat, sur la criminalité et qui sont en cela soumis à une pression systématique de l'Etat ou du marché, ou se retrouvent en lien étroit avec des revendications exprimées dans une pluralité de mondes vécus. Ainsi, la tension entre le monde vécu et le système se traduit par une dualité dans le contrôle social.

Cette construction analytique rend possible un mouvement double, théorique et stratégique pour la recherche: une analyse de colonisation par le contrôle social, d'une part, et la possibilité de démocratisation du contrôle social, d'autre part. Dans une analyse, reposant sur la théorie de Habermas, des processus possibles de colonisation du monde vécu au moyen du contrôle social, on peut aborder le problème que la criminalisation ne répond pas toujours à certaines attentes dans le monde vécu et manque ainsi de légitimité - une critique avec laquelle nous sommes bien familiarisés depuis la théorie de l'étiquetage et l'abolitionnisme phénoménologique19. Néanmoins, il faut y ajouter que les mécanismes d'Etat et de marché qui maintiennent ces constructions doivent aussi être localisés - une idée qui peut être apprise d'une perspective plus structuraliste.

Ainsi, on peut montrer, sur base de la perspective sociétaire ambiguë de Habermas, d'une part le caractère systémique du contrôle social, en termes de pouvoir monétaire et bureaucratique et, d'autre part, l'intérêt des conceptions liées au monde vécu en ce qui concerne le droit et le non-droit, le crime et la décriminalisation. La réalisation d'un processus de décision démocratique et de conception pluraliste reste, à ce niveau naturellement, le chaînon le plus important vers la réalisation d'un contrôle social légitime. Seulement de cette façon intégrante, il me semble qu'un travail peut être fait pour la réalisation de la perspicacité théorique de Habermas, à savoir que des approches objectivantes et des théories interprétatives doivent se soutenir et se compléter mutuellement.
 

* * *

Pour terminer, je souhaite encore aborder quelques points chauds en suspens, qui peuvent se manifester à l'égard de la perspective d'Habermas. Courant le risque de me mouvoir sur le terrain déjà surencombré des critiques de Habermas, je peux tout d'abord démontrer qu'il n'est pas toujours clair que, dans F & G, Habermas parle d'un droit réalisé ou bien idéalisé. Dans une partie de ses propos, Habermas semble s'appuyer sur des références au droit existant effectivement, tandis qu'une autre partie est reconstruite rationnellement. Habermas part vraisemblablement du point de vue que le droit légitime est, en partie, au mieux potentiellement, réalisé dans la société démocratique. Il y a, bien sûr, de bonnes raisons à cela, mais dans l'exposé de Habermas, les composants idéalisants et descriptifs auraient, tout de même, pu être séparés plus clairement.

En outre, Habermas n'est pas encore convaincu que sa perspective sociétaire, à caractère double, puisse avoir, peut-être, plus de valeur sur le plan analytique20. Habermas continue à s'accrocher à une opération stricte et substantive entre les différents domaines,

J'ai appliqué ailleurs cette idée, depuis la perspective de la corruption (Deflem, 1995b). Voir Peters, 1993, 1994 qui plaid* d'après le point de vue féministe. 20 Voir Peters, 1993, 1994 qui plaide ardemment pour ceci, et Prins, 1994 pour en faire Une application

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